réformes, 2018

réformes, galerie Heinzer-Reszler, 22.06-27.07.2018, Lausanne.
Photos: Amélie Blanc

réformes

Du milieu du 19ème siècle jusqu’aux années 1930, le mouvement de la Lebensreform (Réforme de la vie) a tenté d’instaurer de nouvelles manières de vivre. Dans des domaines variés, il cherche à se libérer du carcan trop étroit des valeurs morales, à enrichir les manières de vivre, promouvoir le végétarisme, libérer le corps et l’esprit, réformer radicalement la notion de travail, renouer les liens à la nature. Ainsi, certaines communautés se rassemblent autour d’idées sur l’alimentation, la médecine naturelle, le nudisme, l’architecture, la danse ou la pédagogie, produisant des alternatives et des avant-gardes. Parfois, comme au fameux Monte Verità, plusieurs de ces aspects se retrouvent, en se complétant ou en simple coprésence. Là-bas, les opinions diffèrent mais coexistent. D’autres sont plus sévères sur le plan idéologique, ou s’organisent comme religion, comme la Théosophie, l’Anthroposophie ou Mazdaznan. D’autres encore, comme la mouvance völkisch ou certaines tendances de la FKK, Freie Körperkultur (nudisme), ne sont pas étrangères au développement et au succès du régime hitlérien, qui se couvrait d’oripeaux de Lebensreform et noyait ses actes criminels dans une sauce mythologisante, à grand renfort d’architecture sacralisante, de rites fraternels et sacrificiels, dans un mélange d’ultraconservatisme et d’ésotérique sociale théâtralisée.
Dans l’Occident d’après la 2ème guerre mondiale, ces idées ressurgissent. Une nouvelle notion de communauté voit le jour, qui semble pourtant très empreinte d’individualisme. Méditation, yoga, alimentation, amour, les domaines et les moyens sont les mêmes, mais semblent centrés sur l’épanouissement individuel. Après l’échec ou le succès relatif des mouvements de jeunesse des années 60, ce fonds culturel persiste et se mêle sans trop de heurts au capitalisme triomphant et reconnu. Avec l’arrivée à la pointe de l’évolution humaine des idées de la Silicon Valley, l’émulsion est complète. Pureté spirituelle, libertarianisme, santé, moralisation des corps, bien-être, béatitude.
L’exposition réformes prend pour point de départ le mouvement circulaire entre contrôle social, spiritualité, impératifs moraux et utopies. Les thèmes abordés sont la tension entre quête spirituelle individuelle ou de groupe, la possibilité de transmettre ces questionnements et de les imposer à autrui, leur développement et leur conclusion.
Le tableau Lichtgebet reprend une partie de la composition du tableau éponyme du peintre Fidus (1868-1948), profondément impliqué dans le mouvement de la Lebensreform. Sur le tableau original, un homme jeune nu fait une prière à la lumière au sommet d’une montagne. Dans cette reprise, seul un bras et le ciel sont conservés, dans une sorte d’abstraction de spiritualité, ou de vide, d’emprise humaine sur le ciel/Ciel.

Intimate energies, 2012 et For Your Information sont tirés d’internet, de blogs de personnes contemporaines décrivant leurs pratiques spirituelles et physiques, en y mêlant des éléments autobiographiques et des réflexions morales. En tant qu’objets trouvés, ces textes sont là comme échantillons de réalités, comme une coupe partiale dans tous les possibles humains, et forment un portrait. Leur ton péremptoire, leur volonté d’universalisme un peu vain et leur ton prescriptif en font des portraits moraux un peu dérisoires, mais néanmoins touchants.
Corps, morale est une compilation de catégories tirées du carnet de note de l’artiste. E-flux Reader/Sternberg Press est un motif trouvé sur le site internet de la Biennale de Berlin 2016, annonçant une publication et des événements liés aux notions de sociabilité, d’amour, de désir et de politique. Quant à Reiki, il reprend un logo de Reiki, une « méthode de soin non conventionnelle d’origine japonaise, fondée sur des soins dits « énergétiques » par imposition des mains. » (Wikipedia)